« Made in monde » Mondialisation trop formatée ?

« Made in monde » Mondialisation trop formatée ?

« Made in monde » Mondialisation trop formatée ? 560 315 Progress Partners Conseil

Les nouvelles frontières de l’économie mondiale

Nous vous offrons dans cet article une lecture du livre de Suzanne Berger « Made in Monde ».

Les changements de paradigmes effraient en général.

Penser mondialisation rapidement mène aux expressions suivantes : délocalisation, le chômage, le dumping, l’uniformisation du monde, les salaires à bas coûts, l’exploitation de l’homme par l’homme (esclavage moderne) …

En 2006, Suzanne Berger tente déjà de démontrer que d’autres routes sont possibles en s’appuyant sur une analyse approfondie des pratiques et autres stratégies de cinq cents entreprises à travers le monde. Une lecture qui est alors surement pertinente pour construire subtilement les stratégies de 2025, 2030 … 2050.

Biographie

Suzanne Berger est une historienne et politologue américaine, reconnue par tous comme une spécialiste de la mondialisation. Elle a publié quelques livres comme « Notre Première Mondialisation : Leçons d’un échec oublié » (2003) et « Made in Monde » (2006).

La mondialisation est ainsi son objet d’étude essentiel. Selon elle, cette dernière n’aurait été possible sans l’ouverture des entreprises à l’économie mondiale. Ceci ne signifie pas pour autant que les entreprises sont aujourd’hui totalement « déterritorialisées » ou encore que les États perdent en légitimité. Bien au contraire, plus que jamais, l’entreprise s’ancre dans un territoire et le rôle de l’État – à défaut de s’amoindrir – est devenu essentiel afin de conserver l’héritage d’entreprises locales.

Suzanne Berger déconstruit les préjugés qui pèsent aujourd’hui sur les débats économiques et sociaux, en opposant aux grandes généralités du discours le réalisme implacable de l’expérience et des faits.

Lecture/analyse du livre « Made in monde »

Suzanne Berger déconstruit les préjugés qui pèsent aujourd’hui sur les débats économiques et sociaux en opposant aux grandes généralités du discours le réalisme implacable de l’expérience et des faits.

Non, la mondialisation ne détruit pas les emplois dans les pays dits du Nord.

Non, le protectionnisme n’est pas une solution aux problèmes économiques actuels.

Non, la sidérurgie n’est pas condamnée, l’économie mute, mais cela n’implique pas pour autant la disparition de tous les secteurs, puisque l’on aura encore besoin de fer et d’acier à l’avenir.

Non, la délocalisation n’est pas le meilleur moyen pour augmenter les profits, différentes stratégies sont possibles.

Pour illustrer cela, l’auteur s’appuie sur les stratégies de 500 entreprises différentes et souligne ainsi qu’il n’y a pas qu’une seule façon d’appréhender les enjeux posés par la mondialisation.

Une bonne lecture qui en 2006 déjà remettait en cause une mondialisation trop « formatée ». 

 

Une étude de cas éloquente : Luxottica

« Sous-traiter n’est pas toujours la meilleure solution. »

À quoi bon délocaliser sous prétexte que la main-d’œuvre serait moins chère ? Parfois, il est préférable de conserver une implantation locale.

En effet, délocaliser implique ipso facto des coûts auxiliaires comme l’affirme Suzanne Berger : « Même dans des industries slow-tech comme le textile/prêt-à-porter, le coût du travail n’est qu’un facteur parmi d’autres du coût total lié à une délocalisation : transport, matériaux, capital, mais aussi incertitude quant à l’infrastructure sur place, corruption des autorités publiques, arbitraire politique, etc. sont autant de questions à se poser avant de délocaliser. Pour les entreprises que nous avons étudiées, tous ces facteurs jouent un rôle beaucoup plus important que le seul coût du travail. »

« Une main-d’œuvre peu qualifiée et peu chère n’est pas pour autant plus rentable qu’une main-d’œuvre qualifiée et coûteuse. Et pour cause, la main-d’œuvre qualifiée a un taux de productivité bien supérieur. »

Effectivement une main-d’œuvre peu qualifiée et peu chère n’est pas pour autant plus rentable qu’une main-d’œuvre qualifiée et coûteuse. Et pour cause, la main-d’œuvre qualifiée a un taux de productivité bien supérieur. Ainsi, parfois, délocaliser se révèle être peu rentable : la nouvelle main-d’œuvre est lente, moins fiable et la qualité du produit peut également laisser à désirer.

Pour illustrer son argument, S. Berger prend l’exemple de la marque italienne de lunettes Luxottica. En prenant en compte tous les facteurs cités ci-dessus, elle constate que le coût final de production d’une monture est de 2,63$ en Chine, 2,49$ en Irlande et 1,2$ en Italie, alors même que la main-d’œuvre y est la plus chère. En fait, l’économie réalisée en Chine ou en Irlande sur la main-d’œuvre est annulée par une qualité défectueuse des verres et de nombreux dysfonctionnements au sein des usines chinoises ou irlandaises.

Suzanne Berger souligne d’ailleurs l’intérêt à réfléchir sa sous-traitance, comme Toyota l’applique d’ailleurs depuis 1970. « Quand les fonctions aussi importantes que la fabrication sont sous-traitées, le sort de l’entreprise dépend d’autres intervenants au sein de la chaîne d’approvisionnement.» Le scandale qu’a subi Apple avec son sous-traitant Foxconn en est le meilleur exemple et tend à montrer que sous-traiter n’est pas toujours la meilleure solution.

La recherche du meilleur rapport coût-avantage

Pour les entreprises, la mondialisation se résume souvent à la recherche du meilleur rapport coût-avantage. Ceci s’explique tout simplement par le fait que l’on assiste aujourd’hui à une guerre économique effrénée entre les différentes entreprises qui partagent le même objectif : maximiser les profits.

Dès lors, on assiste depuis l’avènement de ce processus qu’est la mondialisation à un changement profond de paradigmes : la production est devenue internationale dans le sillage des délocalisations, entraînant par la même occasion des licenciements chez les vieux pays industriels et une embauche accrue dans les pays émergents ou en développement. L’organisation des systèmes productifs connaît in fine également une mutation importante, puisque selon les mots mêmes de S. Berger : « la production ressemble maintenant beaucoup plus à un jeu de Lego qu’à une maquette d’avion. »

« Ce ne sont plus les produits qui sont standardisés mais leurs composants, qui peuvent être réutilisés dans une multitude de produits (comme les briques du Lego) contrairement aux composants des « maquettes d’avion ».

En effet, l’ancien système se caractérisait par sa rigidité : les pièces ne s’ajustaient que de manière unique sur le produit (« Il n’y a qu’une façon d’assembler ces pièces et aucune ne peut être réutilisée dans une autre configuration pour construire un autre avion. »).

Au contraire, le nouveau système développé avec les NTIC et la DIPP est basé sur la modularité : toutes les pièces nouvelles ou anciennes peuvent s’ajuster à tous les schémas possibles. Ce ne sont plus les produits qui sont standardisés mais leurs composants, qui peuvent être réutilisés dans une multitude de produits (comme les briques du Lego) contrairement aux composants des « maquettes d’avion ». En parallèle, les entreprises ont fragmenté leur production en cherchant les territoires les plus avantageux pour délocaliser et sous-traiter. C’est ainsi que la Chine est devenue « l’atelier puis l’usine du monde ».

Ce schéma peut-il durer dans un contexte inflationniste, post covid, une demande de produits plus locaux, plus qualitatifs, de réactivité des services … ?

NTIC : nouvelles technologies de l’information et de la communication

DIPP : division internationale du processus de production

Produire local ou à l’étranger, le dilemme de l’économie mondialisée

L’enjeu principal de ce livre est d’étudier les stratégies des entreprises pour réussir dans l’économie-monde. Se pose de facto la question de la délocalisation. On constate aujourd’hui qu’une exigence accrue des consommateurs est que l’entreprise soit locale et qu’elle produise localement.

L’une des stratégies en vogue est celle développée par l’ex-PDG de Sony Akio Morita : « Think Global Act local ». Il est essentiel pour les entreprises de « fabriquer où elles vendent » (Ford, GM, Haier), quand bien même elles sous-traitent la production de certaines pièces détachées. D’ailleurs, de nombreuses entreprises sont prêtes à accepter des coûts plus élevés d’administration et de production pour réussir sur le marché visé en s’adaptant aux exigences du consommateur.

« Ce qui se produit localement se vend mieux que ce qui est produit à l’étranger. »

C’est ce que S. Berger nomme « l’effet frontière » : ce qui se produit localement se vend mieux que ce qui est produit à l’étranger.  La justification de cette tendance se trouve certainement dans la psyché collective : l’homme se définit par une forme de chauvinisme. C’est pourquoi elle affirme : « Ni l’Europe, ni les États-Unis n’ont à redouter un mouvement massif de délocalisations ».

Outre cet argument, il y a de nombreux avantages à produire localement comme l’illustre l’exemple Luxottica (gain de temps dans la distribution, minimisation du coût de transport et des frais de sous-traitance…). Il nous faut installer pour autant des chaines de valeur avec peu de gaspillage, réactive, adaptable, satisfaisant ses clients et les attentes des parties prenantes de nos sociétés modernes.

Conclusion

« La mondialisation n’est pas un choc exogène : elle est le résultat de millions de choix réalisés par les entreprises, concernant les activités qu’elles veulent garder sous leur toit, celles qui seront sous-traitées à d’autres et l’implantation de toutes ces activités »

 

Il y a donc beaucoup à faire, pour le plaisir de nous tous.

 

Au plaisir de vous accompagner dans vos transformations futures.

 

Philippe Remy

Fondateur de Progress Partners

Un peu de lecture supplémentaire sur le contenu de ce livre

MADE IN MONDE